ARLES SE LIVRE  édition 2023

Dans le cadre des manifestations d’Arles se Livre organisées par la Municipalité d’Arles, l’équipe des documentalistes du Centre  de  Ressources sur la Résistance et la Déportation d’Arles et du Pays d’Arles, le CRDA a ouvert à la consultation publique l’intégralité en sa possession de La Revue d’Arles, publiée de 1941 à 1943, une source officielle exceptionnelle de renseignements concernant la vie arlésienne des années noires. Une occasion aussi de se  familiariser avec les problèmes de conservation des  livres et documents sur papier, réalisés dans une économie de guerre.

                          

      Remerciement à Monsieur J.PERRIN, imprimeur  pour sa participation

LA REVUE D’ARLES : CONTEXTE HISTORIQUE

La Revue d’Arles est le bulletin de l’Académie Régionale d’Arles fondée en 1941 sous le régime de Vichy. L’Académie d’Arles, pilote de la vie culturelle de l’arrondissement, suit toutes les orientations de la nouvelle Révolution Nationale, instaurée par le Maréchal Pétain : promotion des valeurs traditionnelles de la famille et de la morale, du travail, de la  patrie et du sentiment national, de la région, de son terroir et de son folklore. Des thèmes fédérateurs et revalorisants après la sidération causée dans la population par la défaite de 1940. 
Ce sont ces thèmes qui constituent la  » ligne éditoriale » de la Revue d’Arles qui se définit elle-même comme un « Organe d’information et de propagande » Ce qui se révèle être une information au service de la propagande. Un lecteur d’aujourd’hui en reçoit un éclairage sur la presse officielle locale des années noires.

  LA REVUE D’ARLES : LES SUJETS TRAITÉS

Le sommaire du premier numéro de mars 1941 donne le ton. On y retrouve des articles à la gloire du Maréchal, de Mistral et du  « mistralisme », des traditions, du folklore, du terroir et de ses métiers. 

Le sommaire du dernier numéro paru, le n° 21 de novembre/décembre1943 est moins ambitieux, tout à l’hommage à une figure tutélaire de Provence et de Camargue, le Marquis de Baroncelli, et à l’expression de traditions religieuses. 

Entre ces deux numéros, presque trois ans de tourmente et de tourments pour une France en guerre, curieusement absente des articles de la Revue d’Arles qui évite les sujets qui fâchent. Outil de propagande au service du redressement de la France, la revue se doit d’être positive et semble avoir banni de son vocabulaire des mots comme  » allemand  » ou « guerre ». Dans le beau texte de Fernand Benoit (n°17 mars1943) sur Arles, terre à blé, il ne saurait par exemple être question des réquisitions opérées par l’occupant sur notre production de farine, et quand il est question de ravitaillement c’est un discours moralisateur qui fait passer les restrictions imposées. La langue se fait d’ailleurs prudemment évasive dans l’évocation de la situation politique, ramenée à des vicissitudes. (N°4 Juin 1941 Aux Mères Françaises)   

La Revue d’Arles ne faillit pas à la réputation de l’Académie d’Arles.

Il s’agit d’une production culturelle de bon niveau. Beaucoup d’articles de spécialistes concernant  l’évolution des techniques, l’agriculture, l’archéologie, la sociologie, l’Histoire constituent une source de renseignements capitale sur la Provence de cette époque. On n’en attendait pas moins d’une publication placée sous les auspices de Fernand Benoit.  

Cependant c’est l’omniprésence de la propagande pétainiste qui est sensible avant tout au fil des pages. En 1941 le comité d’honneur de l’Académie Régionale d’Arles est placé sous la double présidence de M. Jean des Vallières, sous-préfet d’Arles, et de M. Pierre du Lac, Maire d’Arles. La Revue d’Arles sera l’organe de la politique gouvernementale. La propagande commence à se faire  plus discrète dans la dernière partie de la parution de la revue, contexte politique oblige. En effet avec les événements de novembre 1942 : le débarquement allié en Afrique du Nord et l’occupation de la zone sud, avec les événements de 1943 : l’unification des mouvements de la Résistance en France et la victoire de Stalingrad sur le théâtre des opérations militaires, le vent de l’Histoire tourne. Si bien que le dernier numéro prévu, le n°22, ne paraîtra jamais.

LA GUERRE DU PAPIER

  La guerre provoque rapidement. une pénurie de papier. Différents décrets de régulation de l’usage du papier sont pris par l’Etat, et des quotas d’attribution aux entreprises sont fixés. Le 1er avril 1942 est créée une commission de contrôle du papier d’imprimerie qui, étant donné la rareté de celui-ci, décidera de l’opportunité d’une réédition ou du bienfondé d’une parution. C’est ainsi que l’éditeur parisien Denoël fut vivement incité par ladite commission à rééditer les œuvres de M. Louis-Ferdinand Céline…étant donné la valeur et l’intérêt de ses ouvrages« . Les « répartiteurs de papier » de cette commission sont donc puissants puisqu’ils sont à la fois censeurs et fournisseurs de papier d’imprimerie. En province aussi les restrictions de papier sévissent : les imprimeurs qui ont des commandes officielles peuvent travailler à coup sûr. Les autres doivent parfois fermer boutique. Sur la demi douzaine d’imprimeurs sur la place d’Arles pendant la guerre tous n’ont pas pu poursuive leurs activités, faute de papier. Le papier de l’époque est fabriqué à base de bois, d’où la couleur brune du papier de La Revue d’Arles, d’où également des demande officielles de l’époque pour faire intensifier les coupes de bois.

LE FINANCEMENT

Comme pour toute guerre, la guerre idéologique a besoin d’argent pour financer ses outils. La Revue d’Arles a son propre financement : le produit de ses ventes et les espaces publicitaires qu’elle offre, mais elle reçoit aussi et surtout une part des subventions départementale que l’Académie d’Arles redistribue aux associations culturelles, ce qui confère à l’Académie d’Arles autorité financière, autonomie dans la direction du monde culturel arlésien et pression idéologique sur les associations.

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